mercredi 24 avril 2013

Dernière chance


Debouts, face à face, le regard verrouillé dans les yeux de l’autre, lui, plus grand, la peau pâle, le poil hirsute, le cheveux clairsemé, elle, plus petite, la peau caramel, cheveux de jais. Ils se fixent avec intensité, nus, immobiles. Dans la chambre on n’entend que le sifflement lancinant de l’air conditionné. Leur torse se soulève au rythme de leurs respirations. L’air est épais, dense, il les garde prisonnier. Il l’a tant désiré, il a tant attendu ce moment, il devrait se jeter sur elle, la couvrir de baisers et de caresses, se baigner dans son parfum, goûter sa peau, pourtant il reste bloqué, incapable de faire le moindre mouvement. Il ne peut même pas parcourir du regard ce corps nu qu’il a tant espéré, deviné jours après jours au travail, ces courbes qu’il sait parfaites. C’est son regard. Ces yeux noisettes plongés dans les siens ont éteints, ou du moins suspendu quelque chose en lui.

« Tu ne sais pas. Tu ne comprends pas ce qui est en train de se dérouler dans cette chambre d’hôtel. »

Une voix légèrement aiguë,  un peu nasillarde, une voix chaude et rassurante. Dans son corps, des picotements , comme si la vie revenait en lui au contact des mots.

« Tu ne mesures pas encore les conséquences de ta quête désespérée. »

Il se souvient de leurs conversations à la machine à café, leurs rires, les réunions de travail. Une jeune femme légère, une indienne aux proportions incroyables, une fausse ingénue, une vrai belle personne. Le désir qui a finit par occuper chacune de ses pensées. Le désir de la posséder. Sa voix. Ses mots. Ses yeux. Tout pourtant le glace aujourd’hui.

« Une fois que tu m’auras touché, une fois que tu auras goûté à ma chair, alors il n’y aura plus de marche arrière. »

Une peur étrange s’insinue en lui, pourtant les picotements ont finis de parcourir son corps, ses muscles se détendent déjà. Des yeux il détaille, malgré lui, comme un réflexe incontrôlable, cette femme qu’il croyait connaître. Ses jambes galbées, ses fesses généreuses, sa taille fine, ses seins pleins, dressés, comme un défi à la gravité, ses longs cheveux noirs, brillants qui glissent contre ses omoplates, contre sa peau délicieusement ambrée. Un corps de magazine. Un corps rêvé.

«  Au premier baiser, tu sera perdu. Damné à jamais, comme bien d’autres avant toi. »

La terreur s’empare de lui. Son cœur se serre. C’est sans doute ce que ressent un lapin, tétanisé, devant les phares d’un camion. Elle vient de saisir sa verge. Sa main est chaude, et ses doigts habiles.

« Faire l’amour avec moi, c’est se condamner à la folie. »

Elle se rapproche, collant sa poitrine contre la sienne. La douceur de ses seins, la souplesse de leur texture, ses tétons qui durcissent contre lui, à fleur de peau il ressent tout au centuple. D’une main, elle poursuit ses lents va-et-vient, glissant l’entrée humide de son sexe contre son gland. De son autre main, elle fait jouer ses doigts sur le bord de ses lèvres. Il ne peut rien faire tandis qu’elle introduit un index dans sa bouche. Il ne contrôle plus rien, son corps lui échappe à nouveau. Sa langue bouge d’elle-même, ses lèvres se referment pour mieux sucer le doigt. Se rapprochant à son oreille, elle poursuit sa litanie en susurrant.

« La passion, vous n’avez que ça à la bouche. La passion est un feu qui brûle les corps…jusque l’âme. »

Elle fait glisser une jambe contre son flanc, et, avançant son bassin, fait pénétrer le sexe, tendu et palpitant, en elle. Sa matrice brûlante et humide l’enserre. La chaleur dans son bas ventre s’étend. L’excitation envahit chaque cellule de son corps, tandis qu’elle ondule contre lui. Petit à petit, la raison le quitte. Ne reste que le désir, l’excitation, et cette terreur grondante qui lui donne envie de hurler. Quelque chose d’horrible va arriver, il en est certain, mais son corps ne lui obéit plus. Le plaisir dilue sa conscience.

« Je vais te montrer ce qu’est la passion, et tu préféreras être mort. »

Ses ondulations de bassin s’accélèrent. Dans un bruit obscène de piston humide leurs sexes s’unissent violemment . Ses seins vibrent et rebondissent contre son torse. D’une main sur ses fesses, elle le presse plus brutalement en elle. Son regard est fiévreux, sa peau scintille et perle de transpiration. Les doigts de son autre main se referment dans les cheveux de sa victime consentante. Il va mourir, devenir fou, ou peut-être pire encore, mais cette peur aiguë qui vrillait son cœur, il ne l’entend plus. Il n’entend que le sang qui bat dans ses tempes, leurs bassins qui s’entrechoquent, leur souffle chaud qui se mue en plainte, sa langue de harpie qui lèche frénétiquement son oreille. De ses deux mains il agrippe ses fesses charnues et l’attire à lui plus fort encore. Prisonnier, il ne l'a jamais vraiment été. Le rythme accélère, les plaintes se changent en râles, leurs langues s’entremêlent furieusement, leurs corps se serrent jusqu’à ne former plus qu’un. Jouir en elle, enfin. Tout devient blanc. Son corps entier se tend dans un ultime effort.  Il  n’entend plus rien, pas même leurs cris à l’unisson. Ses jambes le lâchent, il se sent tomber. Une chute qui ne semble jamais vouloir s’arrêter. Sa conscience se dissout.  

« Tu m'appartiens. Tu es perdu. »