vendredi 24 février 2012

Délires de grandeurs

Voyons voyons…Ah bah tiens !

*Vous avez 820 commentaires *
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-> Caro a écrit : Sympa ton blog.
-> Anonyme a écrit : C’est dommage qu’il y ait des fautes de français, ça gâche un peu tout.
-> Billy25 a écrit : Excellent mec ! Vivement le prochain post.
-> Boulet : J’aime bien ce que tu fais. Si tu as d’autres idées dans ce style ça m’intéresse. On pourrait essayer de faire un truc ensemble. Contacte-moi.
-> Faye Reagan a écrit : Je être sur Paris pour shooting. Je aime toi style. Ecrivain cool. Si vouloir put penis in me OK je veux bien. Call me.
-> Trollzob a écrit : T’es qu’une merde ! Tu te prends pour un écrivain mais t’es qu’un raté. Quand tu seras publié et que tu passeras à la télé on en reparlera, mais pour l’instant arrête de te la péter un peu avec ton style de merde et tes phrases à la con.

Roulette. Roulette. Roulette


-> Karaté Boy a écrit: Chère cibi, je crois que le monde a besoin de gens comme RiyeT. Car en plus d’être talentueux, il connaît Faye Reagan et ensemble nous pourrions repeupler la Terre.
-> Steven Spielberg a écrit : One of my friend told me about your blog. It’s awesome! I want to make a movie out of one your story. Please contact me ASAP.
-> Juliette a écrit: Tu es le père de mon enfant…
-> Adrien Leblanc a écrit : Je sais où tu habites, je vais te tuer, et je vais kiffer.
-> Dieu a écrit : J’ai pas fait mieux en 7 jours. Beau boulot fiston. On se voit là-haut de toute façon.

Ah bah ça fait plaisir d’avoir quelques commentaires de temps en temps.

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-> RiyeT a écrit : Allez tous vous faire foutre bande de cons !

N.B:
Si un texte vous plaît bien, n'hésitez pas à faire tourner sur FB ou Tweeter, ou juste un commentaire. Dans le cas contraire aussi. Si vous trouvez que je ferai mieux d'arrêter à jamais d'écrire et que le suicide n'est pas qu'une option mais un devoir: faites le moi savoir. C'est aussi pour ça que je poste des textes sur le net: avoir votre avis.

jeudi 23 février 2012

La grippe

Quand on réfléchit trop, on a vite mal à la tête.
Quand on a mal à la tête, on est de mauvaise humeur.
Quand on est de mauvaise humeur, on est désagréable avec les gens.
Quand on est désagréable avec les gens, ça les rend de mauvaise humeur.

Et voilà, la boucle est bouclée. Ou comment faire du monde un endroit meilleur. Vous remarquerez que le fait d’être de bonne humeur ne provoque pas tout à fait le même genre de réaction sur votre entourage professionnel. Il existe même certaines personnes que la joie de vivre irrite au plus haut point.
Bref, j’ai mal à la tête, je suis malade, et j’ai envie que vous creviez tous. Mais ne vous inquiétez pas, ça passera vite.

dimanche 19 février 2012

Le vampire

Je hante souvent ce genre d’endroits. Aujourd’hui c’est un concert, hier une lecture, demain un théâtre peut-être. Des lieux de culture, des lieux de passion. Hanter c’est le bon mot. Je déambule et n’adresse jamais la parole à personne. Je suis là, mais aucun ne me remarque, je suis tout le monde et personne à la fois. Tant mieux. Ce soir l’endroit est petit, la cave d’un bar dans le XIe arrondissement de Paris. Je suis venu assister au concert d’un groupe dont je ne me souviens plus le nom. Un article dans un journal des spectacles a fait tilté mon intuition. « Charlotte, la chanteuse est à suivre de très près. Un talent insolent… ». Prometteur. Rapide regard à la ronde. Les gens sont occupés à boire leur bière au gobelet, à discuter entre amis, à tenter de séduire l’autre sexe dans cette semi-obscurité moite. Comment sera-t-elle ? Est-ce qu’elle sera à la hauteur ? Je n’ai pas pu m’empêcher d’anticiper cette soirée, je suis un peu à cran, mes poings sont serrés par la nervosité. Etirer ses doigts dans un craquement et boire une lampée de mauvaise bière. Penser à autre chose, mais je n’y arrive pas. J’ai tellement hâte de la voir se consumer. Son regard quand les flammes viendront la souiller. J’espère qu’elle est jolie.

La tension a légèrement grimpé dans la salle, les musiciens sont déjà sur scène et s’installent aux instruments. Le bassiste en nœud papillon et chemise à carreaux fait du slapping pour passer le temps. La guitare d’accompagnement, un asiatique à la dégaine de vieux hippie, s’accorde en silence d’un air absorbé. Le batteur, un grand type rondouillard au visage jovial, scrute la foule à travers ses grandes lunettes rectangulaires, assis sur son tabouret, les bras croisés. La guitare solo est un grand gothique aux cheveux filasses et à la barbe rousse. C’est un assemblage très étrange que ce groupe là. Ne manque plus que la voix. Les musiciens s’accordent et n’attendent plus qu’elle. Je suis bien plus impatient qu’ils ne peuvent l’être. De ce concert dépend ma survie. Mes yeux sont fixés sur le micro et son pied au centre de la petite scène. Et si j’étais déçu ? Et si une grande blonde sans saveur se présentait alors pour chanter d’une voix criarde ? Je ne sais pas. Il ne faut pas que j’y pense.

« Ah, enfin la voilà ! » annonce le bassiste dans le micro. On applaudit, les gens sourient d’un air complice. Je me retourne anxieux. Une douce voix aigüe déplace les gens non-loin de moi. Un petit bout de femme tente de se frayer un chemin. Une brune aux formes généreuses, les joues rosies par la chaleur, un large sourire gêné illumine son visage. Les deux bras tendus vers le ciel, elle tente de protéger ses deux gobelets de bière tout en avançant à petit pas. « Pardon, pardon » s’excuse-t-elle avec une voix sucrée. Les gens s’écartent, je l’entre-aperçois. La robe tunique rouge à motif qu’elle porte ondule et glisse sur sa peau à chaque pas, soulignant tour à tour la profondeur de son décolleté, la finesse de sa taille, l’épanouissement de ses hanches généreuses. Dans sa traversée elle m’effleure et déjà je sens son parfum me monter à la tête. Une flamme m’échappe malgré moi et vient lécher mon bras. Un rapide coup d’œil à la ronde, personne n’a remarqué quoi que ce soit. Il faut que je me calme sinon je vais tout gâcher. Charlotte arrive sur scène et dépose ses bières avant de commencer un petit speech d’introduction. Ca ne m’intéresse pas, j’écoute distraitement et bois quelques gorgées de bière. Je veux qu’elle chante. Elle a fini et se retourne vers le groupe, toujours souriante, mais plus concentrée. Tous échangent un regard sans parler, les doigts se préparent sur les instruments, les baguettes du batteur claquent plusieurs fois. Enfin, ça va commencer.

Quelques mesures d’intro et puis elle décolle avec une note jaillissant comme l’eau de la source. Une voix suave, cuivrée, légèrement aigüe. Le son est clair et puissant, comme sortie d’une clarinette. La note se poursuit, elle ne semble jamais vouloir s’arrêter. Ses yeux sont perdus quelque part au dessus de nos têtes. Elle serre amoureusement le micro près de sa bouche, comme pour lui susurrer quelque proposition indécente. Les pieds immobiles, ses jambes glissent l’une contre l’autre dans un tic nerveux des plus agréables à regarder. Sa robe remonte peu à peu dévoilant un peu plus ses cuisses blanches, vision d’un érotisme ravageur. La note dure encore. Ses yeux se ferment, son corps se cambre tendant la robe sur ses seins pleins et son petit ventre enfantin. A court d’air, elle se redresse avec un sourire plein d’extase. Les gens applaudissent, sifflent, la musique s’intensifie. J’en ai oublié de respirer. Pantelant, je la regarde entamer, espiègle, quelques petits pas de danse. Chacun de ses gestes est emprunt d’une sensualité oppressante. Un charme enfantin et un corps de femme. Et quelle voix. Je l’entends encore résonner en moi, cette note infinie. La température monte d’un cran et je ne fais guère plus d’effort pour l’empêcher de s’envoler. Autour les gens s’écartent, manquant de se brûler, et me regardent sans comprendre. La chanson se poursuit et la voilà qui improvise un scat sur le solo du guitariste. Elle bouge lentement, féline. Ses lèvres charnues embrassent le micro, son corps ondule au ralenti. Les notes jaillissent, fusent en tous sens. Vibrantes, claires, colorées. La guitare lui fait écho et la batterie souligne la prouesse avec un rythme jazzy. Ses pieds ne touchent plus Terre, son corps dégage une chaude lumière, sa robe remonte toujours plus haut sur ses cuisses. Mes pensées se brouillent, ma poitrine est douloureuse. Le rouge de ses lèvres, le blanc de sa peau, le rose de ses joues, ses cheveux collés à la rosée de son front fiévreux. Cette voix qui n’est pas d’ici, surnaturelle, un talent sans limite. Je n’en peux plus.

D’un bond je la rejoins sur scène. Personne n’a rien vu venir, c’est une vitesse qu’ils ne peuvent appréhender. Prestement j’envoie voler le micro et son pied puis la saisit par les bras. Elle me regarde, interdite, terrifiée, pressentant l’issue funeste de sa représentation. La dernière. Je peux enfin libérer le feu qui m’habite. Comme une bouteille d’eau que l’on renverse, les flammes se déversent, roulent, bondissent sur la scène et nous entourent. Dans la salle, plus aucun bruit, plus un mouvement, que le crépitement du brasier entourant. Le temps ne s’écoule plus que pour le bourreau et sa jolie victime. En dehors des flammes, le monde est immobile, figé dans des applaudissements, dans une discussion. Ils dansent sans bouger, sautent sans jamais retomber, crient sans bruit. Elle les regarde, impuissante, ils ne peuvent rien pour elle. Le désespoir l’envahit. Déjà les flammes la dépouillent de sa robe. Apercevoir son corps nu caressé par le feu, me rend fou. D'innombrables langues brûlantes la lèche avec avidité, ses jambes, ses hanches, son sexe, ses seins. Je veux la posséder tout entière, lui voler jusqu'à son âme. Les flammes deviennent assassines, la scène est un brasier déchaîné que les musiciens accompagnent en silence, leurs instruments à la main. Elle hurle à présent, une douleur insupportable vrille chaque centimètre carré de sa peau. Dans un effort désespéré, elle tente d’échapper à mon emprise, bat des jambes, secoue son corps convulsivement. C’est peine perdue, aucun coup de ne peut m’atteindre, mon corps n’est pas celui d’un humain, ma force est sans commune mesure. Des cloques se forment sur ses cuisses tremblantes, ses cheveux sont un buisson enflammé, ses bras sont déjà pratiquement carbonisés entre mes mains. Ses yeux se révulsent, son corps est agité de spasmes ridicules, sa bouche ne cesse de s’agrandir dans un cri sans fin. « Ce soir tu es mienne. En échange de ton talent, ta beauté, ton énergie et ta vie, en moi tu vivras éternellement. ». Toujours les mêmes mots pour achever le rituel, et posant mes lèvres sur les siennes, je mets fin à son supplice. Le feu la pénètre, s'insinue, la dévore de l’intérieur et consume ce qui peut encore rester d’intact en elle. Ne subsiste alors que la cendre.

Je suis déjà loin lorsque le temps reprend enfin son cours dans la salle de concert. Pour eux, une seconde à peine s'est écoulée. En lieu et place de leur chanteuse ils trouvent un tas de cendre et l'odeur âcre de mon passage. Ils ne pourront jamais comprendre ce qui s'est déroulé ce soir, pathétiques marionnettes. J’arpente les trottoirs mouillés de Paris sans but particulier. Je pense à elle. A sa voix. A ce moment d'exquise communion. Elle est en moi à présent, comme tant d’autres. Grâce à elle, je vivrais quelques années supplémentaires. C'était une belle soirée, j'ai le coeur en fête, heureux de l'avoir rencontré. Je prends le chemin du retour, songeant à de futures rencontres, fredonnant un air entêtant, entendu il n'y a pas si longtemps.

lundi 13 février 2012

This is the End - Episode 3

Benjamin médite les dernières paroles de Jenny. La fin du monde ? Il a du mal à y croire. Toutes ces superstitions à propos du calendrier maya : des conneries. La centaine de cadavres qui jonchent l’esplanade de La Défense, lui font tout de même dire que la théorie de sa nouvelle amie n’est pas tout à fait infondée. "Bon qu’est-ce qu’on fait maintenant ?" demande-t-elle, le sortant de sa réflexion. Ramené bien malgré lui à une réalité toujours plus dangereuse, il reprend conscience de la situation très problématique dans laquelle il se trouve. "Il faut qu’on bouge répond-il. Si ça se trouve, ce cheater de Croustibat va rappliquer avec sa kalasch à munition infinie. Entre lui et les plantes vertes on serait mal barré, d’autant plus qu’on est complètement à poil." Jenny le regarde d’un air inquiet. "Pardon ?". Benjamin comprend qu’elle l’a mal compris, mais ça l’énerve. "On est à poil ! On n’a pas d’arme ! Il s’est redressé d’un bond et l’invective en faisant de grands gestes nerveux. On est tout nu sur la banquise ! On va se faire canarder comme à la fête foraine. T’as une arme toi ? Moi j’ai que dale ! J’ai une ceinture. Ah bah on est bien ! Contre des snipers en pot et des poissons flingueurs. Avec ma ceinture on est sauvé hein !?" Il marque une pause, essoufflé, rouge comme une tomate. Il est en train de péter un câble. Pour reprendre un tant soit peu de contenance, il passe sa main dans ses cheveux qu’il n’a plus. "Bon, reprend-il plus calmement, le RER et le métro c’est mort. Y a le poisson Findus. Il faudrait qu’on réussisse à rejoindre la rue et qu’on se casse le plus loin possible." Jenny acquiesce, toujours un peu soucieuse à propos de la condition mentale de son nouveau camarade. Son coup de sang n’a pas fait forte impression. "Il y a des entrées vers des passages souterrains un peu partout sur l’esplanade. Les plus proches sont là et là indique-t-il en pointant du doigt. Ca conduit à la rue." Ben et son crâne lisse marquent des points, la petite chinoise reprend espoir. "Et pour les snipers, comment on fait ?" demande-t-elle. Il lui sourit d’un air confiant, dans sa tête il y a la musique de Mac Guyver. "T’inquiète pas petit nem, j’ai une solution." Enjoignant les paroles à l’action, il aide Jenny à se relever. L’amenant avec lui vers le bord du pilier, il lui montre une des sorties, peut-être la plus exposée. On va se séparer pour avoir plus de chances et on se rejoindra dans le souterrain. "Toi, tu vas partir par là…" D’un coup ferme il la pousse à découvert, un sourire vicieux aux lèvres. Elle manque de chuter mais se rattrape tandis qu’une balle manque de peu sa tête. "Et moi je vais partir par là, continue-t-il calmement. Là où c’est presque à couvert !" Sur ce, il éclate d’un rire de dément et prend la tangente dans la direction opposée. Benjamin est un survivant, et il fait tout pour augmenter ses chances. Rien d’autre n’importe à présent que courir jusqu’à cet escalier, comme tout à l'heure dans le RER, n’importe comment en sautant dans tous les sens. Les coups de feu résonnent , la foudre se déchaine, c’est un déluge de balles. Mais aucun projectile ne semble vouloir l’atteindre. Benjamin danse, il virevolte, léger comme une plume, il tourbillonne. Les balles l'évitent. Vivre, vivre à tout prix. Il y est presque. Il est immortel. Plus que quelque pas. La couardise a du bon, car il va encore une fois réussir à s’en sortir. Ou pas. Une balle l’atteint en pleine tête alors qu’il pose le premier pas sur son but. Il s’effondre comme une marionnette dont on aurait coupé les fils, et dégringole dans les escaliers. Pas de chance.


Jenny, quant à elle, est déjà loin. Profitant de la diversion suicidaire et malveillante de son compagnon d’infortune, elle a réussi à atteindre le passage souterrain. Elle court sans se retourner, il faut qu’elle sorte d’ici au plus vite. Ses talons résonnent atrocement dans ce souterrain sans fin. Le bruit est tonitruant. Elle a peur qu’ils puissent la suivre au son de ses pas. Au bout du tunnel il y a la lumière de l’extérieur, mais elle semble ne jamais s’en rapprocher. Un peu comme dans Goldorack lorsqu'il emprunte la route N°7 pour sortir par la cascade. Après deux minutes qui lui ont semblé être une éternité, elle débouche enfin sur la rue. Tout est désert, c’est un peu normal, elle est encore entourée de toutes parts par des immeubles de bureaux aux formes extravagantes. Il lui faut encore cinq minutes au pas de course pour enfin arriver sur une avenue fréquentée. A cette heure-ci, la route devrait être saturée de voitures et de taxis, pourtant on ne trouve ce matin qu’un flot ténu de véhicule et de piétons. Ils ont du entendre les coups de feu. Peut être qu’on en a parlé aux informations, du coup les gens évitent de rester dans le coin se dit elle. De fait, ne restent sur les routes que des inconscients qui n’ont pas d’autoradio, ou bien qui possèdent un certain sens de la curiosité morbide.


Jenny est soulagée malgré tout, de voir qu’un pan de la civilisation est resté inchangé, que des gens vivent encore quelque part la réconforte. Ne pas avoir peur des balles perdues. Au loin elle aperçoit un taxi qui arrive en sens inverse : un miracle. Sans attendre son reste elle traverse le carrefour en diagonale en battant des bras en l’air comme une folle. Elle s’arrête en plein milieu de la voie, bras et jambes écartés face au taxi. "STOOOP !" Hurle-t-elle en fixant le chauffeur de taxi à travers la vitre comme une démente. Le taxi, un grand rouquin à dreadlocks, s’arrête et l’invite à monter, un sourire goguenard aux lèvres. "Alors ma petite dame, on va où ?" Le combo qui tue en une seule phrase. Il utilise un "On" condescendant, il se sert de la phrase la plus clichée qu'elle ai jamais entendu avec un naturel effrayant et le tout en lui matant les seins. En d’autres circonstances, cet homme n’aurait même plus les yeux pour pleurer. "A Picpus s’il vous plaît" demande-t-elle avec une maîtrise de soi impressionante. A peine rentrée, la voiture repart. L’habitacle sent le pétard et les haut-parleurs diffusent un vieil album de Bob Marley & The Wailers. Son chauffeur est un rasta roux. Dommage que les réseaux soient saturés sinon elle l’aurait déjà twitté. Il dodeline de la tête le long du chemin en chantonnant l’album par cœur. Jenny regarde le paysage des immeubles s’éloigner peu à peu et soupire. Dans ce taxi qui pue, au son de Bob, conduit par le plus improbable des chauffeurs, elle arrive enfin à se détendre.


"C’est la fin du monde !" avait elle annoncé à Benjamin peu avant qu’il se fasse exploser la cervelle. Désormais au chaud et en sécurité, tout ça à l’air un peu surréaliste. Un pétage de cable en règle pense-t-elle en souriant. Les bonhommes de pub ça n’existe pas en vrai, n’importe qui vous le dirait. C’étaient des gens déguisés…Très très bien déguisés. Elle frissonne à cette simple évocation. "Vous pourriez mettre les informations s’il vous plaît ?" demande-t-elle poliment au chauffeur. Celui-ci, profitant d’un feu rouge se retourne en affichant un rictus contrarié. "Vous savez ma p’tite dame, j’écoute jamais les informations, c’est mauvais pour le karma." Plus elle le voit, plus une irrépressible envie de le gifler violemment la submerge. Un adulte avec des boutons d’acné, habillé comme un adolescent, qui se prend pour un putain de rasta blanc boudhiste ?! Dans sa tête, toutes sortes de mots colorés fusent, mais aucun ne sort en définitive. C’est un crétin, mais ce type lui a peut-être sauvé la vie. "Il y a eu une fusillade à La Défense tout à l’heure, j’y étais. J’aimerai savoir si la police a pris le contrôle de la situation" explique-t-elle simplement. Le chauffeur écarte de grands yeux et s’exclame dans ce qui semble être une imitation d’accent antillais. "Oula Madame, c’est gwave ce que vous me wacontez là dis donc!" Après avoir vérifié l’effet de sa blague en jetant un coup d’œil dans le rétroviseur, il reprend sa voix normale." Je me disais aussi qu’il y avait personne sur la route là-bas." Il coupe le CD et met la radio sur France-Inter. « .. et c’est à peu près tout ce que nous savons sur la fusillade qui a lieu en ce moment même sur l’esplanade de la Défense. » « Merci Jean-Yves. Nous reviendrons sur cet incident dès que nous aurons plus d’informations. En attendant, une courte page de Pub sur France Inter. » La petite madame est très énervée. "Putain de pub de merde!" lâche-t-elle frustrée en s’étalant sur la banquette. Rastaroux qui la suit des yeux dans le rétroviseur tente de la calmer. "Faut pas vous énerver comme ça ma p’tite dame. Faut prendre la vie du bon côté. Cool quoi !" Pour illustrer son propos, il fait le signe de la paix avec les doigts de la main droite. C’en est trop pour Jenny. Comme une envie de sauter de ce taxi en marche. Sauveur ou pas, elle ne va pas tarder à perdre son sang-froid. Et puis il y a cette étrange feuille de papier de forme ronde qui glisse sans bruit hors de l’autoradio. La feuille est énorme, de la taille d’une grosse pizza, et ne semble pas vouloir s’arrêter de sortir. Depuis quand il y a des fax dans les taxis ? La chose bidimensionnelle se courbe et montre sa face imprimée. C’est en entendant les craquements de chips accompagnés de musique pop dans les baffles que Jenny pressent le pire. Instinctivement, en apercevant la chose moustachue et son nœud papillon, elle s’est reculée au maximum sur la banquette, les genoux sous le menton. Le chauffeur quant à lui regarde, goguenard, le grand logo Pringles léviter juste à côté de lui. Il semble douter de la vision, abus de substances illicite oblige, mais ça ne l’empêche pas d’avoir l’air très amusé. Il pointe un doigt vers le moustachu mangeur de tuile et regarde Jenny dans le rétroviseur. "Dites-moi que vous le voyez aussi!" Notre petite dame n’a pas le temps de le prévenir, tout va trop vite. Mr Pringles ouvre grand la bouche, gobe le bras du rasta jusqu’au coude puis referme ses mâchoires dans un grand craquement, comme des milliers de chips broyées simultanément par un compacteur à déchet. Même rasta, même roux, le pauvre chauffeur n’en demeure pas moins un être humain, il hurle de douleur et arrose de sang l’avant de l’habitacle avec son moignon qu’il agite en tous sens sous ses yeux incrédules. A côté de lui, le bonhomme tout rond ne boude pas son plaisir. Il mâche à grand renforts de craquements, le bras de sa victime, comme s’il s’était agi d’une centaine de tuiles au goût d’humain. Impossible de dire ce que cette chose mâche vraiment en fait car elle n’est pas plus épaisse qu’une feuille de papier. L'impossible redevient possible. Le cauchemar recommence pour Jenny. Dans les haut-parleurs de la voiture, qui fait de sérieuses embardées à présent, on entend la fin du slogan de la pub : « Pringles, quand ça pop, tu croques non-stop ! ». Le moustachu 2D, éclaboussé de sang par le chauffeur estropié, se tourne alors vers elle et lui lance un clin d’œil complice.

La fin du monde je vous dis ! A suivre…Un jour.

mardi 7 février 2012

This is the End - Episode 2

Benjamin reste coi, médusé face à l’apparition publicitaire. Il s’était attendu à beaucoup de choses, mais pas à ça en allant en allant au travail ce matin. Le poisson jaune, poisseux et dégoulinant, continue inexorablement d’avancer, nageoire après nageoire, crachant un flot ininterrompu de balles. "Il recharge jamais cet enculé ?" se demande Benjamin en l’observant ainsi continuer d’arroser, un sourire gaillard aux lèvres. "Tu cheat mec ! C’est quoi ces munitions infinies ?" S’affaissant, dos contre la rambarde, il fait mine de réfléchir. "Mais qui peut le battre ?" se dit-il à demi-voix juste pour le plaisir. Il sourit, très fier de pouvoir sortir une phrase pareille dans le feu de l’action. Un peu à la façon de John Mc Lane dans Die Hard. Fini de rêvasser. Qui ou quoi que soit son assaillant, ce n’est pas avec sa bite ou son couteau qu’il en viendra à bout. Rampant à quatre pattes, il s’extirpe de sa cachette en direction de la première sortie qu’il peut trouver. Hors de portée des balles, il se relève et se met à courir, portable à la main. Composant le numéro de la police machinalement, il jette un coup d’œil alentour. Pas âme qui vive. A peine deux cadavres gisant dans une flaque de sang. Il ne finira pas comme ça. Le numéro de ne compose même pas. Incrédule, il regarde son téléphone lui annoncer « Réseau Saturé ». "Mais nique ta maman, portable de merde !" crie-t-il à son smartphone innocent. Il est entrain de passer les tourniquets lorsque les tirs cessent. Plus aucun bruit à part les pas de Benjamin qui résonnent dans la station déserte. Il faut qu’il sorte le plus vite possible. Ici il se sent piégé comme un rat. Enchaînant escaliers et escalators, il finit par déboucher sur l’esplanade de la Défense.


Enfin à l’air libre. Le vent, le Soleil, des cadavres. Des centaines de corps gisent dans leur beaux costumes, avec leurs cravates, leur chemisiers, leur gel dans les cheveux. Des cadavres corporate. Pas un bruit, pas un mouvement à part quelques feuilles de quotidien emportées par le vent. Par où aller ? Il déambule au trot, un peu au hasard. Qu’est-ce qui à bien pu se passer ? Entouré par ces gens silencieux dans cet espace démesuré, il se sent tout à coup très seul. Le réseau est toujours saturé. "Croustibat n’a pas pu faire ça tout seul", se dit-il a voix haute en marchant en rond. Il y en a forcément d’autres…La seule possibilité que d’autres poissons Findus puissent se planquer quelque part avec une arme d’assaut, le terrifie. Il s’arrête et tente d’imaginer une équipe de poissons mutants mitraillant tout ce qui bouge à la sortie du RER. Ils rient tous très fort, avec un cigare à la bouche, un rire de dément, et les douilles giclent dans tous les sens.



Perdu dans ses pensées, Benjamin ne remarque pas le petit point rouge qui tremblote sur sa poitrine. Il va mourir s’il ne bouge pas tout de suite, mais il est trop occupé à penser à des trucs idiots avec son imagination dérangée. Quelqu’un quelque part est en train de le viser avec un fusil sniper. Avant qu’il ait eu le temps de faire le moindre mouvement, quelque chose bondit et le plaque au sol. La baie vitrée derrière lui explose en milles éclats. "Putain de sa mère !!" éructe-t-il avec une voix de fille en tombant au sol. Il n'a pas le temps de réaliser la situation qu'on l'interpelle. "Ferme ta gueule gros lard et viens te planquer avec moi." Lui crie une petite asiatique à la voix nasillarde adossée derrière un pilier d’immeuble juste à côté. Benjamin rampe à toute vitesse, arrosé au petit bonheur la chance par une pluie de coups de feu. Son visage est un masque digne de la comedia del arte. Des yeux comme des fentes et une sorte de sourire constipé aux lèvres. Il gémit comme un petite fille apeurée. A force de contorsions, il arrive enfin à couvert et rejoint son sauveur. Poussant un bref soupir de soulagement, il se tourne vers elle pour la remercier. "Merci petite chinoise, tu m’as sauvé la vie ! Où est ta Maman ?" Elle lui répond du tac au tac non sans lui envoyer au passage une taloche sur le crâne. "J’ai 29 ans connard et j’ai un nom. C’est Jenny."


Cette fille ne parle pas, elle scande, avec une voix de poissonnière sur le marché. Comme si chacune de ses phrases annonçait une réduction exceptionnelle sur le kilo de sole. Les oreilles de Benjamin ont du mal à s’en remettre. C’est la première fois qu’il entend quelqu’un lui parler aussi fort que lui. "Moi c’est Ben." lui répond-il en hurlant, histoire de lui montrer qui a la plus grosse voix. "Eh ! Ben et Jenny, remarque-t-il soudain, comme la glace! C’est pas trop badass ça ?" Benjamin n’a toujours pas compris qu’il y a un temps pour les calembours et un temps pour survivre. Jenny quant à elle, ne semble pas relever son trait d’esprit, trop occupé à réfléchir. "Qu’est-ce que tu fous ici bordel ? Il y a des bonhommes Cétélem planqués partout dans les immeubles." A ces mots il s’imagine le bonhomme en verdure, allongé sur le sol, le Soleil se reflétant dans ses lunettes noires, il les scrute implacablement à travers la lunette de son fusil sniper. Il trouve ça trop cool, dommage qu’il soit la cible. Jenny a continué de parler mais il n’écoutait pas. "Moi j’étais au café dans cet immeuble là, dit elle en montrant l’immeuble non loin, et puis y a trois types déguisés en Cétélem qui ont débarqués. Enfin quand je dis déguisé, c’était trop vrai et trop bizarre en même temps. Leur regard flippant, leurs sourires, c’étaient vraiment des buissons en forme de bonhomme. Ils sont arrivés et ont commencés à flinguer tout le monde à notre étage avec des pistolets automatiques, des fusils à lunettes en bandoulière dans leur dos. Je leur ai balancé quelques collègues à moi pour les occuper. Cette pute de Sylvia de la prod, Marc et Andrew de la compta, et un type que je connaissais pas. Tu aurais vu leurs yeux. Les yeux de ces buissons ambulants, pendant qu’ils vidaient leurs chargeurs sur eux. Des yeux rieurs, des bouches énormes largement ouvertes en sourires déments. Moi j’en ai profité pour filer par les escaliers." Elle à un certain sens de la survie la petite se dit Ben en l’écoutant finir son histoire. Il lui raconte rapidement ses déboires avec le poisson de la marine. "Y a Croustibat aussi alors ?" répond-elle machinalement. "Mais c’est quoi ce bordel putain ? enchaine Ben. Comment ça se fait que les bonhommes de pub apparaissent comme ça les un après les autres pour dézinguer tout le monde ici ?" Jenny affiche un regard sombre, elle semble avoir décrypté quelque chose dans la succession de ces évènements étranges. Ses yeux bridés, deviennent encore plus bridés. "Moi je crois savoir ce qui se passe annonce-t-elle. Tu sais quel jour on est ?" Benjamin répond par la négative d’un signe de tête. "On est le 21 décembre 2012 gros !! Putain c’est la fin du monde !"

Roland Emmerich peut aller se rhabiller, c’est la pub qui va tous nous crever. A suivre…

jeudi 2 février 2012

This is the End - Episode 1

Le RER encore et toujours. Traverser la région parisienne, balloté contre des centaines d’inconnus. Regarder le paysage défiler. Les gens sur les quais, les tunnels, les immeubles gris. Ecouter de la musique sur son MP3, lire un livre, regarder le furoncle de son voisin, détailler la robe moulante de sa voisine, imaginer leur vie. Etre fatigué, être heureux, sourire à l’idée d’être en Week-end, s’enfermer dans le stress de la journée. Les journées se répètent et se ressemblent. Benjamin, Ben pour les intimes, se laisse porter par le flot des jours, mallette à la main, la cravate noué autour du cou. La trentaine, le crâne rasé, le visage rond, les joues pleines. Ses lunettes noires à bord épais soulignent le regard malicieux de ses yeux verts, sa seule fierté. Il n’est ni petit, ni grand. Un léger excédent de poids qu’il perdra un jour lorsqu’il se motivera pour faire du sport. Benjamin est las, fatigué, mais ses yeux continuent de sourire. Comme souvent il a fait la fête avec des amis la veille. Boire, parler de rien d’important. Crier plus fort que ton voisin, vanner le plus possible, trouver des jeux de mots improbables pour faire rire tout le monde. Jouer à la console, regarder la télé réalité en se moquant des idiots qui y participent, draguer un peu aussi. Se sentir léger, se sentir ivre, se sentir vivant. La banque ce n’est pas sa vie, c’est juste un moyen de la gagner. La vie pour lui c’est hier soir, c’est ce soir, c’est demain soir. C’est rire et profiter de ses amis. Faire n’importe quoi, rencontrer des gens, vivre des trucs.



La Défense, lui annonce les haut-parleurs. C’est là qu’il descend. Alors qu’il franchit les portes, poussé par une foule de jeunes cadres dynamiques, on entend un cri. "Allez-vous en bordel ! Il arrive !" Tout le monde tourne les yeux en continuant de marcher. Tout au bout du quai, à gauche, il y a un homme qui court de toutes ses forces vers le train. Sa chemise est parsemée de tâches rouges et son visage est recouvert d’égratignures. Il tente de rejoindre une porte, mais la foule le repousse. "Barrez-vous putain !" hurle-t-il désespéré. Encore un mec qui pète un câble se dit Benjamin avant d’entendre plusieurs détonations. L’homme s’étale de tout son long ainsi qu’une jeune fille en tailleur. C’étaient des coups de feu, les premiers que Benjamin entend de toute sa vie, à part à la télévision bien sûr. Instantanément, il tente de remonter dans la rame, mais c’est déjà la panique. Tous les passagers qui étaient sortis tentent de rentrer à nouveau dans le RER. Dans la bousculade, quelqu’un lui fait perdre l’équilibre, il tombe comme au ralentit. Une autre série de coups de feu vait voler en éclat une fenêtre tout près. Dans la rame, plusieurs personnes sont touchées, elles s’affaissent. Des hurlements, des cris de terreur, le sifflement des portes qui se referment. "Je vais crever ici." se dit Benjamin. Le train démarre à toute vitesse, encore arrosé d’une salve nourrie. Une arme automatique sûrement. "Reviens-ici tout de suite connard de train !!" hurle-t-il à plein poumons. C’est la seule chose intelligente qu’il trouve à raconter en pareille situation. Une balle vient siffler à son oreille. Il manque de mouiller son pantalon. Instinctivement il se retourne. Ses yeux ont beau scruter frénétiquement dans tous les sens, il n’arrive pas à voir le tireur. "Plutôt mourir que de crever ici" siffle-t-il en se relevant d’un bond. L’adrénaline commence à avoir un effet productif, il se met à courir. Mais vers où ? Les balles le frôlent encore une fois et vont éclater une poubelle à sa droite. Par déduction, le tireur est à gauche. Il accélère en direction de l’escalator à sa droite. Jetant un coup d’œil par-dessus l'épaule, il entrevoit une vague forme jaune et bleue qui se dégage de derrière une colonne d’ascenseur plus loin sur le quai. Une autre salve est tirée dans sa direction, mais aucun projectile ne fait mouche. Benjamin à une course complètement aléatoire, on le croirait agité par la danse de Saint-guy. La tête rentrée au maximum dans les épaules, il bondit d’un côté, roule de l’autre, accélère et change de direction en permanence. S’il y a bien une chose qu’il aura appris en jouant en ligne, c’est qu’une trajectoire rectiligne c’est la mort. Trop facile à viser. "Tu m’auras pas fils de pute !! J’ai tous les trophées platines sur Battlefield !" Son cri est un défi à la mort. Dès qu’il a entendu la première balle, il l’a su : c’est un survivant. Il n’est pas de ceux qui se figent d’effroi face aux phares d’un camion, il est de ceux qui se protègent des balles avec un cadavre, ce qu’il aimerait bien faire s’il avait le temps. La bave aux lèvres, le visage inondé de sueur, il court dans tous les sens comme un dérangé. Il doit vivre, il doit survivre à tout prix. Il a réussi à atteindre les escalators et grimpe les marches quatre à quatre. Son souffle est une vapeur bouillante, de l’acide coule dans ses veines, et son cœur bat tout rompre, mais pourvu qu’il batte encore. Derrière lui, il entend un cri terrifiant. Quelque chose d’inhumain, d’horrible, grave comme le craquement du sol dans un tremblement de terre. Ce cri lui glace le sang, bien plus que les balles qui pleuvent sur lui depuis tout à l’heure. Un son malsain et inquiétant, vieux comme le monde. Il manque presque de perdre l’équilibre à une marche de la fin de son ascension. "Ferme ta gueule Chewbacca ! Woooooaaa !" fait-il en imitant le pote de Han Solo, caché derrière une rambarde toute proche. A l’abri, il cherche désormais à savoir qui est la menace et par où elle risque d’arriver. De son poste, il distingue beaucoup mieux son agresseur. Il n’en croit tout d’abord pas ses yeux. Ca n'est pas le genre de truc qu'on voit tous les jours. L'impossible devient possible. Une sorte de farce cosmique. Le muscle saillant, le sourire carnassier, un petit chapeau blanc de marin vissé sur le coin de la tête, l'oeil rieur, entre ses mains jaunes une kalashnikov crache des douilles fumantes sans discontinuer. C’est bien le poisson de la publicité Croustibat qui lui tire dessus en marchant sur ses petites nageoires. Pour Benjamin s'en est trop. "Mais what the fuck ?!"



A suivre…