mercredi 16 mai 2012

Souvenirs de vacances (2)

Au cas où vous débarqueriez, le début de l'histoire c'est ici: Souvenirs de vacances.

Je me réveille en sursaut. L’espace d’un instant, je me suis assoupi sur mon transat près de la piscine. Rapidement, je vérifie que personne ne s’est aperçu de mon absence passagère. Les animateurs font un sketch à la Benny Hill en se courant après autour de la piscine accompagnés par la musique ringarde de l’émission. Aux 4 coins de l’esplanade, fusil à l’épaule d’autres animateurs surveillent la scène. Ils ont l’air moins détendus, eux.

Comment ai-je pu m’endormir dans ce vacarme ? C’est sûrement l’alcool. Le bar de l’hôtel nous en sert à volonté. Coup d’œil au bracelet rouge à mon poignet. Sur simple présentation de ce petit bout de plastique, cocktails et buffets à volonté. Boire et manger, ça nous occupe. Boire surtout, ça nous fait tenir. Ça nous fait oublier aussi. Oublier le gros René. Plus large que haut, les joues rouges et la blague facile malgré l’adversité. Il a simplement refusé de participer au tournoi de pétanque du 2e jour. D’un coup de machette, ils lui ont ouvert le ventre devant tout le monde. Ses entrailles se sont répandues instantanément à ses pieds dans un chuintement visqueux. Boire pour oublier ses cris d’agonie, son visage. Les animateurs nous ont forcés à faire la chorégraphie du club devant lui. Les réticents se sont pris une balle dans la tête. Les autres ont dansé. J’espère qu’il aimait la Macarena car c’est la dernière chose qu’il a vu avant de s’effondrer dans ses propres entrailles.

Boire c’est tout ce qui nous reste. Même se nourrir est devenu une épreuve. Au réfectoire, parqués les uns contre les autres, nous effleurons à peine nos assiettes. Qui pourrait avoir de l’appétit dans pareille situation, à part Wallid peut être. Le chef des animateurs se bâfre tous les jours. Se goinfrant joyeusement à tous les repas, faisant d’innombrables aller-retour jusqu’au buffet, un sourire joyeux aux lèvres. Un adolescent en pleine croissance. En d’autres circonstances, il en serait presque attendrissant de naturel. Souvent, il vient s’assoir avec nous pour faire la conversation. « Alors, ça va le jeunes ? ». Que voulez-vous répondre à ça ? Je fixe mon assiette avec intensité en pensant à autre chose. A René, le gros syndicaliste qui n’a pas voulu fermer sa gueule. Comment honorons-nous son courage ? En riant jaune aux blagues graveleuses des animateurs ? En bronzant au bord de la piscine ? En applaudissant au spectacle chaque soir ? Le spectacle…Ca me revient soudain, il faut que je me dépêche d’aller en salle de répétition. Je dois m’entraîner pour le spectacle de ce soir : Dirty Dancing. Je fais la fille, Baby. Le porté est difficile. Qui sait ce qu'ils pourraient nous faire si on venait à le rater.

Je me dégoûte. Une bande de rats, de lâches. Voilà ce que nous sommes.

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