jeudi 28 mai 2009

Apologie des gens bourrés

Il m'est apparu quelque chose d'extraordinaire il y a quelques jours. Deux doigts dans la gorge, je peinais à clore ma biture mensuelle comme il se devait. J'abandonnais cette tâche peu ragoutante et décidais de m'en remettre à mère nature. Titubant tant bien que mal jusqu'à mon lit, la lumière m'apparut soudain...En double et très floue. Et tandis que ma compagne m'exhortait à migrer vers le canapé du bas, je me promettais secrètement, à haute voix, d'écrire l'apologie des gens saouls.

Pourquoi une apologie? Parce que c'est toujours un texte assez exaltant à écrire, plein de passion et d'expressions verbeuses. Des choses qui siéent plutôt bien à une personne régulièrement atteint de diarrhée verbale comme moi. C'est d'ailleurs un aspect de ma personnalité que peu de personnes connaissent et que je réserve à l'intimité d'une conversation en tête à tête ou bien à la chaleur étroite des petits bars à 3 heures du matin. La liaison est toute faite et à ce propos je peux en revenir aux évènements de cette fameuse soirée.

Certaines personnes sont comme des fleurs qui s'épanouissent et s'ouvrent lorsqu'on les arrose correctement. Moi et mon ami S. sommes ce genre d'individus plutôt réservés d'ordinaire, sympathiques au demeurant, qui deviennent rayonnants, affables, superbes, lorsque proprement arrosés par la bonne quantité d'alcool.
Ainsi la première heure passe et quelques anges l'accompagnent tandis que nous sirotons nos bières belges, échangeant quelques mots au lance-pierre. La 2e pinte c'est le déclic, le feu aux poudres. Le verre est à moitié vide, car je suis un grand optimiste, et le nectar créé par les moines trapistes flamands allergiques à l'eau commence à faire son petit effet.
- Dis donc, elle est forte la Maredsous...
- Ouais! me répond S. dans une envolée lyrique sans précédent.
Le rouge me monte aux joues et chaque gorgée me rapproche un peu plus de l'ivresse. C'est le moment de la soirée où les souvenirs deviennent flous. Nous changeons d'endroit. Un demi et un mètre de shooters plus tard, je suis le roi du monde.

On ne se souvient jamais clairement du moment où les choses basculent, mais à un moment je chante à tue-tête Thunderstruck de AC/DC, le pied sur un tabouret du bar. Je suis heureux et tout me ravit. J'ai soudain un avis tranché sur toutes sortes de sujets dont je n'avais moi même pas idée. Je discute à coeur ouvert de l'évolution musicale du métal avec un quinquagénaire bedonnant et moustachu. Le barman me raconte sa vie et je lui explique sans complexe pourquoi la séparation de ses parents l'a poussé à exercer ce métier. Mon pote me demande mon avis sur cette fille qui vient de lui mettre une main aux fesses. Je suis multi-tâche, omnipotent, et omniscient. Je parle à tout le monde et tout le monde me parle. J'ai une solution à tout car je suis l'alpha et l'oméga. Je suis Dieu, et le moustachu m'offre un shooter en offrande pour que je rende sa vie meilleure. Je ne fais plus qu'un avec les poivrots de tout l'univers. La clope au bec, je titube, et tout me semble génial, frais, nouveau, double, flou, mouvant...magique! Je m'incruste dans une conversation en terrasse, ils ont besoin de mon aide. Un homme élégant me tient la pige. Nous discutons de la quête de l'absolu féminin, de la beauté du monde, de la société, des femmes encore...Nous sommes brillants et nos idées révolutionneront un jour ce monde pourri. Les gens qui nous regardent débattre à grand renfort de gestes maladroits et de décibels sourient et se moquent. Tout à l'heure, c'est moi qui me moquais. Je suis passé de l'autre côté du miroir. Ce sont eux qui n'ont rien compris. Les ivrognes sont comme des aimants, ils attirent à eux leurs semblables avec une étonnante efficacité. Je suis désormais le président des poivrots. Et les conversations deviennent mythiques. Mais la magie n'opère jamais longtemps, et tandis que les verres se vident, le groupe s'effrite. La communion des poivrots est éphémère. Le teint pâle et l'haleine chargée, chacun rentre chez lui. Traînant les pieds à l'intérieur du bar je retrouve S. qui m'attend avec le demi qui me coûtera la vie. La bière, n'à plus le même goût. C'est un calvaire de la finir. J'ai envie de vomir...Le bar ferme et je me retrouve seul dans la rue, hagard et nauséeux, titubant vers un nouveu lendemain en parlant tout seul. C'est jurée, demain j'arrête de boire!

vendredi 22 mai 2009

Dur, dur la vie...

Comme tous les jours de la semaine, Adrien dit bonjour au clodo du coin de la rue avant de rentrer dans la boulangerie. Il en ressort 2 minutes plus tard une baguette sous le bras, ce qui, assorti avec son costume noir à fine rayure blanche, est du plus bel effet. Le pied leste et la malette à la main il entreprend de rentrer chez lui savourer cette délicieuse miche de pain chaude. Mais au passage piéton, la tête de la petite vieille qui s'apprêtait à traverser à côté de lui explose dans un bruit tonitruand. "Pas cool" est la première pensée qui traverse Adrien, car c'est un idiot et il va mourir. Pendant 5 secondes, le temps semble se figer. La tête des gens n'explose pas spontanément à priori. "Pas cool" c'est un peu léger...Elle rigolait toujours à ses sales blagues chez la boulangère cette petite vieille. Et maintenant elle n'a plus de tête...
Une seconde détonation le tire de sa rêverie. La balle s'est logé dans son coeur. La baguette lui échappe des mains. Devant lui, un quelconque agent secret au service de sa majesté s'est lancé dans une folle course poursuite. Les balles ne le touchent pas lui. Elles semblent même l'éviter. Il n'a pas peur, il sourit même...Se jouant du danger. Quel connard. Ce sont ses dernières pensées avant de s'affaler face contre terre. Mort. Parce que le scénariste à trouvé que ça ferai bien dans cette scène.

jeudi 14 mai 2009

Projet Purple Bob: Héloïse (1)

 La suite de mon projet Purple Bob. Enfin un extrait.


La voiture s'arrête à son tour et vient rejoindre le flot des vacanciers. Il fait chaud, l'air est lourd. Bloqué sur l'autoroute si près de la mer. On entend les mouettes, on sent presque les embruns. Les gens tirent la langue, ils étouffent, ils s'agitent, ils klaxonnent. Héloïse regarde au loin d'un air distrait. Une main sur le volant, le visage dans l'encadrure de la fenêtre. Marc est à la place du mort et observe une petite fille qui fait ses besoins sur le bord de la route. Pierre, derrière écoute la radio, tapotant du pied en rythme. La petite fille, exulte et danse dans la brise tiède, vêtue de ses seules baskets roses et blanches. Elle suit la voiture de ses parents qui roule au ralenti, les cheveux hirsutes, la peau étincelant au Soleil. Tous les trois, il ne la quittent plus des yeux. Ils sourient de son innocence, de sa fraîcheur revigorante. Héloïse en profite pour glisser un rapide baiser sur la joue de Marc. A nouveau concentrée sur la route, elle sent sa main qui remonte le long de sa cuisse. La peau est moite. Il fait trop chaud dans cette voiture. C'est la petite fille qui a raison et Marc tente de le faire comprendre à sa compagne en faisant sauter le bouton de son petit short blanc. Elle ne cille pas lorsqu'il descend la braguette, et l'aide même un peu à l'enlever en se tortillant sans quitter les yeux de la route. L'air de rien. Pierre à l'arrière les regarde faire avec un sourire espiègle. Il se rapproche lui aussi, dégage les cheveux chataîns du revers de la main et entreprend d'essuyer du bout de la langue les perles salées de transpiration dans le cou d'Héloïse. Elle ne peut plus faire mine de rien. La voiture est à nouveau à l'arrêt. La langue glisse sur la nuque et deux mains brûlantes caressent ses seins moites sous son T-shirt. Marc glisse un doigt dans son sexe humide. Elle laisse échapper un soupir vibrant. Ils l'embrassent tous les deux sans cesser leurs caresses. Elle ferme les yeux, ondule, se cambre, frissonne. Des décharges parcourent leurs trois corps tendus par l'excitation. Un coup de klaxon appuyé derrière eux les sort soudain de leur transe. La voiture devant est déjà très loin. Tout le monde regagne sa place en rigolant, encore fiévreux. Ils la regardent tenter de se concentrer à nouveau sur la route, un sein à l'air, le short sur les mollets, et échangent des regards amusés. Un ange et deux amis inséparables sur la route pour échapper à la fin du monde. Comment en était on arrivé là? Tout ça à cause d'un type violet qui vole à poil sur un cheval.

(N'hésitez pas à lâcher des commentaires aussi bien positifs que négatifs, constructifs ou pas...Ca reste vrai pour tous mes billets ^__^)

mercredi 13 mai 2009

L'art de tricher ou le guide des relations fausses...et intéressées

Je ne me souviens plus qui à dit un jour, et à juste titre d’ailleurs : « l’homme est un animal social». Il me semble que c’est Platon, ou bien un autre type louche en toge. Bref, l’important n’est pas là. L’essentiel, c’est le message délivré par ce gimmick digne d’une publicité pour Omo machine. Dès l’instant où tu, oui, toi lecteur abasourdi, as foulé le sol pour la première fois, tu es devenu un animal social. Ca t’en bouche un coin ! Et oui, à cet instant précis tu es devenu partie intégrante de notre société moderne. A partir de cet instant précis, toute ta vie sera régie par ta façon d’interagir avec les autres de ton espèce. Et, oui, c’est dur de se dire que l’on va passer le restant de sa vie entouré de... gens ! C’est pour ça que les bébés pleurent d’ailleurs. Ca aussi ça vous en bouche un coin !

Détrompez-vous, loin d’être le misanthrope que vous vous imaginez, je suis un philateliste convaincu : les timbres c’est ma vie ! En fait, ce qui me gêne chez les hommes (et les femmes d’ailleurs. Ne vous inquiétez pas, il y en aura pour tout le monde), c’est quand il y en a plus de 1 à la fois. Bah oui, prenez un bonhomme et vous le mettez tout seul dans une pièce. Il ne ment pas, il ne profite de personne, il ne tue pas : il est ! Et c’est largement suffisant. Il est un homme seul dans une pièce, point final. Maintenant prenez un bonhomme tout seul dans une pièce, et faites rentrer un autre bonhomme. Si vous attendez assez longtemps, ils vont commencer à se parler :
- Salut.
- Salut.
Désormais nous avons deux hommes dans une pièce qui se parlent ! Vous ne voyez toujours pas où je veux en venir. Attendons encore un peu alors.
- Moi c’est John.
- Moi c’est Thierry. Enchanté.
- Enchanté Thierry.
Enchanté ?! Est-ce que Thierry est réellement enchanté de rencontrer John dans cette pièce. Et qu’est-ce que John en a à branler de Thierry. Avant il était un homme dans une pièce et désormais c’est John et en plus il est enchanté ! Là j’espère que vous commencez à comprendre ce que j’essaye de vous raconter depuis tout à l’heure. Sinon, je veux bien attendre encore un jour ou deux jour sans leur filer à manger pour voir s’ils sont toujours aussi enchantés. L’homme est un animal social et malheureusement c’est une maladie contagieuse comme vous venez de le voir. Sous prétexte que nous sommes doués de la parole, nous nous sentons obligé d’en faire profiter le plus de monde possible : regardez, je parle ! Ca fait plaisir quand votre fille de 8 mois prononce pour la première fois un « Papa » entre deux hoquets baveux, mais est-ce que ça vous fait encore plaisir quand votre voisine de 57 ans vous raconte que son ex-mari était un horrible amant pour la 3e fois ?

Mais je m’égare. Bien, nos deux super potes John et Thierry viennent de se parler pour la première fois de leur vie, et ils sont déjà enchantés : que c’est ravissant. Ce qui me fait le plus rire dans cette situation, ce n’est pas que l’homme soit un animal social, mais qu’il soit plutôt un animal poli. J’aimerai bien que tu me dises Thierry pourquoi, bon sang, tu as dit être « enchanté » quand tu es rentré dans cette pièce.
- Bah...Je sais pas. Comme ça. L’habitude.
- Ah ah ! On y vient. Maintenant, dis-moi Thierry. Est-ce que tu penses revoir un jour John ?
- Non, je ne crois pas...Le monde est petit. On ne sait jamais.
- Et imaginons que tu sois amené à vous recroiser dans la rue, que lui dirais-tu ?
- Je lui dirai bonjour je pense.
- C’est tout ?
- Oui, je ne le connais pas plus que ça après tout.
- Bien...Désormais imaginons que ce soit ton nouveau chef. Vous vous revoyez pour la première fois. Qu’est-ce que tu lui dis cette fois ?
- « John ça alors ! Quelle coïncidence. Bonjour comment allez-vous depuis la dernière fois ? » Un truc dans ce style...
- Je pense que tout ça répond à ma première question...
Si je devais simplifier la complexité de la relation qui s’est installé entre John et Thierry lors de leur palpitant entretien, je le ferai ainsi :
- John, veux tu interagir avec moi, Thierry, dans l’espoir que nous puissions tirer un jour un quelconque profit du lien futile que nous venons de créer ?
- Oui je le veux !

Alors à quoi ça sert la politesse ? Et bien à ça ! Toutes ces grimaces que nous faisons à longueur de journée plus ou moins consciemment ; elles ont un but. Ce but c’est notre bénéfice personnel.
Mais la politesse ne sert pas qu’à ça. Il y a un deuxième effet kiss-cool, et pas des moindres. Grâce à ces grimaces permanentes, on a l’impression que tout le monde est content d’être avec tout le monde. Ce qui est bien, mais pas top quand on y songe. Car cet état de fait masque l’horrible vérité qui est la suivante : il y a forcément des gens qui ne t’aiment pas, oui toi derrière l'écran. En fait ça ne masque rien du tout, c’est un secret de polichinelle et c’est ça le plus moche. Tu sais que bidule peut pas te saquer, mais tu lui fait un grand sourire quand tu le croises. Et le pire c’est qu’il te rend ton sourire au centuple ! Mais vous pouvez pas vous voir...Et vous le savez pertinemment. Ca, ça me tue !
Donc, pour résumer la situation simplement : je hais l’homme social car il est égoïste et hypocrite. Un peu comme moi....

mardi 12 mai 2009

La page blanche...

Seul devant son pc. La lumière blanche allume son visage fatigué, faisant voler sa tête dans le noir. Une fenêtre Blogger le dévisage, le nargue en faisant clignoter nerveusement le curseur sur la page blanche. "Créer un article". Ca fait une demi heure qu'il le regarde clignoter ce curseur de merde.

Il s'était dit qu'avec son talent, son blog serait très vite remarqué et qu'un buzz incroyable secouerait l'internet multimédia 2.0. On lui proposerai des contrats avec des maisons d'éditions et il deviendrait célèbre. Il y aurait plein de fête avec de la cocaïne, des filles en bikini, et du champagne, comme à la télévision. Et ce serait bien...

Ca fait une semaine qu'il sèche devant cette putain de fenêtre, avec ce putain de curseur qui clignote dans une putain de page vide...Vide!! Il a essayé pourtant. Tous les jours il essaye...Il jette quelques mots dans l'espoir qu'ils feront mouche, qu'ils déclencheront la machine. Des jeux de mots débiles, des antinomies, antanaclases, et autres figures de style qu'il affectionne mais dont il ne connaitra jamais le nom. Mais rien ne prend. Ce n'est pas bon. Ca n'a pas aucune âme. Pas étonnant: quand on se met deux doigts dans la gorge, il faut s'attendre au résultat.

C'est dur de tenir le rythme des fois. La page est désespérément vide. Comme lui. Ses courbes Google Analytics qui font la gueule. C'est tout un monde qui s'écroule. Son rêve blogosphère 2.0... Ce soir, c'est la dernière fois qu'il se force. Tant d'efforts.Et pour quoi? Il se bat pour se prouver qu'il existe, qu'il a quelque chose que les autres n'ont pas, qu'il est unique et différent...Pour être reconnu. Mais qu'est-ce qu'ils en ont à branler les gens, eux?...

Il craque ses doigts et les place sur le clavier. Tout d'abord, il faut choisir un titre. Le premier pas, les premiers mots...Il sourit en pensant à l'ironie de la situation à mesure que s'enfoncent les touches: "La page blanche..." Un titre adéquat. C'est un peu aussi pour lui qu'il écrit, après tout.

dimanche 3 mai 2009

Un jour votre voisin vous tuera...Et vous adorerez ça! (FIN)

A l’intention de Joëlle Moche
22 rue Saint-Abri
92220 Bagneux


Bonjour,


Si vous parvenez à lire ces lignes Mlle Moche, c’est que je suis un très mauvais assassin. Il faut dire que je ne suis pas doué pour grand-chose, à part bien sûr ne rien faire, et être con. Mais cela je vous l’avais déjà expliqué dans ma première lettre.

La jaune est près du pc et la noire est près de la table. Je vous parle de mes chaises bien entendu. J’ai finalement réussi à les différencier. Et puis la police est arrivée. Et ils ont tout mélangé. Du coup, de mon lit j’arrivai à voir ma troisième chaise, mais celle là, je ne parviens toujours pas à me souvenir de quelle couleur elle était. Soit jaune, soit noire, ça c’est une chose certaine.

Désormais je ne suis plus seul. J’ai un compagnon de cellule formidable. Nous échangeons nos nouvelles et participons à des lectures et des concours de poésie. Son écriture est légère et pleine de lyrisme. Nous discutons mobilier et excrément également. Malgré l’excellente compagnie qu’il m’a été donné de rencontrer ici, j’en viens tout de même à regretter mes chaises. Heureusement, je peux lire et ne rien faire à loisir dans ma nouvelle résidence.

Notre rencontre fut brève, mais d’une intensité remarquable. Vous m’aviez ouvert la porte, superbe. Je vous avais offert des tulipes rouges en vous disant que vous étiez aussi belle que je me l’étais imaginé. Vous aviez alors enfourné deux fleurs dans votre bouche. Les lèvres débordantes de pétales, vous m’aviez sourit. Je vous avais donc explosé la tête d’une balle de Colt à bout portant. Je vous serai gré de pardonner mon empressement à ce moment précis. Mais vous sembliez si heureuse que j’ai voulu vous laisser partir sur cette dernière impression.

Mlle Moche, laissez moi vous dire que vous aviez un goût excellent. Je me suis permis de faire le tour du propriétaire une fois ma lubie pleinement accomplie. Le vin que j’ai trouvé sur votre table est sans doute le meilleur vin que j’ai jamais goûté de ma vie. Un château Margaux si je me souviens bien. Une excellente année de surcroît. Il est dommage que vous n’ayez pas pu profiter un peu plus longtemps de cette vie hypocrite et confortable. Mais que voulez-vous, je n’aime pas faire les choses à moitié, surtout une fois que j’ai décidé de faire quelque chose (ce qui est assez rare).

Bref, je tenais à vous remercier de m’avoir permis de vous tuer, et aussi pour le verre de vin. Vous pouvez donc reposer en paix. Pour ma part, je m’en retourne à mes lectures.

Bien à vous, M. Leblanc, votre assassin.

samedi 2 mai 2009

Un jour votre voisin vous tuera...Et vous adorerez ça! (4)

A l’intention d’Adrien Leblanc
25 rue Saint-Abri
92220 Bagneux


Bonjour,


Je ne connaissais pas la teneur exacte de votre mobilier, mais désormais j’en ai une idée plus précise. Je vous remercie encore pour cette dernière lettre. Je tenais d’ailleurs à vous dire que je vous avais aperçut en rentrant chez moi hier soir sur les coups d’une heure du matin. Vous faisiez du roller en robe de chambre dans notre rue. Je ne vous ai pas fait signe, de crainte de vous déranger. Vous avez l’air d’être un homme fort intéressant. En d’autres circonstances, je vous aurai invité à prendre le thé afin de partager notre goût commun pour la décoration. Mais dernièrement, je suis particulièrement accaparé par mon travail.

M. Leblanc, avez-vous déjà vu cette affiche dans la rue ? Celle avec un petit teckel au poil roux qui mange son caca en souriant. Il y a une inscription en grandes lettres blanches : « Mangez bio !Mais pas n’importe quoi… ». Plus bas on peut voir un pack de yaourts Oga auréolé de lumière blanche.
J’aime beaucoup cette publicité, elle est de moi. Oui, j’ai couché avec un stagiaire, je lui ai volé l’idée, et ensuite je l’ai licencié : donc elle est de moi. Tout le staff a applaudi pendant ma présentation. Le client était aux anges. Il m’a invitée à dîner le soir même pour que l’on couche ensemble. J’ai accepté car cela fait partie de mon travail.
J’aime beaucoup cette publicité, car l’idée est de moi. Les gens admirent mon travail, ainsi que mon visage, mes fesses et ma poitrine.

Selon vous, combien de personnes peut-on licencier d’un coup ? Je crois que je vais essayer de m’en rendre compte par moi-même demain.
J’espère que vous n’avez pas oublié que vous deviez m’assassiner ? Ne m’en veuillez pas, mais je suis très stricte sur les horaires et les rendez-vous. Pourtant dans mon travail, les gens arrivent à n’importe quelle heure de la journée pour faire acte de présence et justifier leur paye astronomique de créatif dans le vent. Mon emploi du temps est surchargé, et je ne saurai dégager d’autre jour pour notre petite affaire. J’attends de vous, beaucoup plus que de ces crétins. Je vous invite donc à me rendre visite à 21H30 Dimanche prochain. En espérant que cet horaire vous conviendra, je dois désormais vous laisser. J’ai en effet des affaires urgentes à régler.

A dimanche M. Leblanc, en attendant, portez-vous bien.

vendredi 1 mai 2009

Un jour votre voisin vous tuera...Et vous adorerez ça! (3)

A l’intention de Joëlle Moche
22 rue Saint-Abri
92220 Bagneux


Bonjour,


Tout d’abord, je vous prie d’excuser, mademoiselle, ma maladresse concernant votre prénom. Ne sortant que rarement de mon appartement, et à des horaires assez aléatoires, il ne m’a jamais été donné de vous rencontrer en personne. Je profiterai donc de notre prochaine rencontre pour vous admirer à loisir.
Le saviez vous Mlle Moche? Il y a deux chaises chez moi. Enfin non, il y en a quatre. Deux jaunes et deux noires. La nuit, on fait mal la différence. Hier soir, je regardais mes deux chaises, car je n’en avais que deux dans mon champ de vision. Il y en avait une jaune, et il y en avait une noire, mais je n’arrivai pas à dire laquelle était noire ou bien laquelle était jaune. Pourtant, cela faisait bien une heure que je les regardais. Mes yeux avaient finis par s’habituer à l’obscurité. Comme je n’arrivais pas à attribuer les couleurs respectives de mes deux chaises, parmi les quatre, alors j’ai regardé ailleurs. Assis sur mon lit, j’ai donc commencé l’étude de mon appartement.
Dans mon appartement, il y a une bibliothèque gris foncé Ikea sur laquelle repose de nombreux et éclectiques ouvrages.
Dans mon appartement, il y a un bureau écru Ikea sur lequel repose l’écran Phillips 14 pouces de mon ordinateur.
Dans mon appartement, il y a une table qui a autrefois appartenu à ma sœur. Sur cette table repose une assiette sale des restes de mon repas. Ce soir j’ai mangé une boîte de maquereau à la moutarde avec une baguette de pain que j’ai acheté au Spaar à deux pas de chez moi.
Dans mon appartement, il y a une lampe a pied Ikea, qui, bien qu’elle soit éteinte impose élégamment sa silhouette malgré l’obscurité.
Dans mon appartement, il y a un frigo. A l’intérieur, il y a du gruyère râpé, du gouda entamé, des saucisses, et du Schwepps agrume. Mon frigo ronronne de temps en temps. Et mon ordinateur aussi, car il n’est jamais éteint.
Dans mon appartement, il y a deux chaises Ikea. Enfin non, il y en a quatre. Deux jaunes et deux noires. Mais de mon lit, je n’en voit que deux.

Mlle Moche, je suis seul et j’en crève. Alors je vais vous tuer.
Amicalement, M. Leblanc, votre assassin.